Afflux
de migrants haïtiens… À qui la faute ?
Les médias font tourner
en boucle les images de migrants haïtiens franchissant à pied la frontière
Canada-États-Unis. D’origine haïtienne, je suis touché et concerné, mais
surtout très en colère.
En colère, contre qui ?
Des années 60 à
aujourd’hui, plusieurs centaines de milliers d’haïtiens tentent par tous les
moyens de quitter l’ex-perle des Antilles, pour des raisons diverses, mais
principalement politiques et socio-économiques.
Tenant compte de la
détérioration constante des conditions de vie de la population, il est
approprié de qualifier ce mouvement migratoire de fuite, qu’elle ait lieu par
avion, par bateau ou à pied. Dans un cas de fuite, il est pertinent de tourner
les regards vers la situation qui en est à l’origine afin de mieux la
comprendre et envisager les moyens de la résorber.
Premier
accusé : Les « irresponsables » politiques.
De sa naissance à aujourd’hui, la première république noire n’a pratiquement
connu que le népotisme, le despotisme et les dictatures combinées. Dans un tel
contexte, le mot d’ordre est « se servir ». Les pouvoirs successifs
ont toujours gouverné au profit d’une minorité (parents, amis, camarades,
souteneurs), pendant que la majorité silencieuse voit ses conditions se
détériorer irrémédiablement. De plus, les modes de gestion qu’ils mettent en
place ne visent qu’à dilapider les ressources naturelles avec les conséquences
qu’on connaît sur l’environnement (déboisement, érosion, insécurité
alimentaire, etc.) Alors, il ne reste aux laissés-pour-compte et aux mécontents
qu’un choix : chercher ailleurs l’espoir d’une vie meilleure. On peut donc
facilement comprendre que la situation d’haïtiens fuyants ne sera pas résorbée
tant que l’environnement politique reste anti-démocratique, que les ressources
du pays sont mal-exploitées et que les pouvoirs publics ne visent pas le
bien-être de la population. Les premiers responsables sont donc les haïtiens
eux-mêmes.
Deuxième
accusé : Les « profiteurs » étrangers.
On le sait, l’aide étrangère ne repose que sur des intérêts. Depuis les années
60, plusieurs pays se pressent au chevet d’Haïti pour lui administrer toutes
sortes de médicaments. Sous le couvert d’aide étrangère, les pays dits
« amis d’Haïti », ont en fait retiré de précieux avantages, pendant
que le pays exsangue agonise. Bien sûr, Haïti a reçu au fil des années une aide
étrangère chiffrée en milliards de dollars. Mais, d’une part des détournements
de fonds se font avec la complicité des pays donateurs qui soutiennent le plus
souvent les pouvoirs en place et, d’autre part une forte proportion revient aux
sources par tous les moyens (ressources humaines, matérielles, technologiques
et autres). On peut donc facilement comprendre que la situation d’haïtiens
fuyants ne sera pas résorbée tant que l’aide étrangère reste déséquilibrée et
ne favorise pas un développement durable et équitable. Les ressortissants de
ces « pays amis » ne doivent pas donc s’étonner de voir que tant de
migrants haïtiens viennent chercher chez eux l’aide réelle promise.
Troisième
accusé : La diaspora. La plupart des centaines de
milliers d’haïtiens installés partout à travers le monde ont coutume de voyager
au pays d’origine, pour de courts ou longs séjours. L’occasion est belle pour
que bon nombre créent l’illusion de réussite matérielle en terre étrangère ou
tout bonnement d’un changement de leur statut socio-économique. Pour y arriver,
ils n’hésitent pas à se sur-endetter ou même emprunter de leurs proches
certains éléments d’apparat, tels que bijoux et vêtements. Alors, tous les
envieux et jaloux se mettent à rêver du jour où eux aussi ils pourront changer
leur situation. On peut donc facilement comprendre que la situation d’haïtiens
fuyants ne sera pas résorbée tant qu’il n’y a pas une sérieuse remise en
question d’attitudes et de comportements chez plusieurs compatriotes de la
diaspora.
Ernst Weche,
Brossard
05/08/17
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